Roméo et Juliette – William Shakespeare

Roméo Montaigu et Juliette Capulet sont les enfants de deux nobles familles de Vérone qui se vouent une haine immémoriale et dont les rixes quotidiennes ensanglantes les rues. Roméo s’éprend de Juliette à un bal donné chez les Capulet ; elle aussi tombe éperdument amoureuse de lui. Mais il doit prendre de grands risques en s’introduisant ce soir-là jusque sous son balcon. Ils projettent de se faire marier le lendemain par le moine Laurent, grâce à la complicité de la nourrice de Juliette. Or Tybalt, cousin de cette dernière, tue en duel Mercutio, l’ami de Roméo, alors que celui-ci tentait de les raisonner. Il s’emporte contre le meurtrier qu’il tue à son tour. Juliette pleure Roméo exilé à Mantoue pour son délit, mais ses parents, croyant la distraire de la mort de Tybalt, décident de la marier au jeune comte Paris. Frère Laurent donne à Juliette une potion qui doit la laisser comme morte. Roméo arrive à son caveau avant qu’elle ne s’éveille et, la croyant morte, se suicide. Enfin libérée de sa drogue, elle se poignarde en découvrant le cadavre de son mari. Ce drame réconcilie les deux familles.

Extrait

Roméo – Qui est cette dame enrichissant le bras de ce chevalier ?
Elle enseigne au torches de briller splendidement !
On dirait qu’elle pend à la joue de la nuit
Comme un riche joyau à l’oreille d’un Ethiopien ;
Beauté trop riche pour qu’on en use et trop chère pour le taire !
Comme une colombe de neige en troupe avec des corneilles
Ainsi paraît cette dame au milieu de ses compagnes.
La danse finie, je vais voir où elle est ;
Ma rude main sera bénie touchant la sienne.
Mon coeur jusqu’à présent a-t-il aimé ?
Jurez que non, mes yeux.
Car jamais avant cette nuit je n’avais vu la vraie beauté.

Extrait

Juliette parait à la fenêtre

Mais silence ! quelle lumière éclate à la fenêtre ?
C’est l’Orient et Juliette est le soleil !
Lève-toi clair soleil, et tue l’envieuse lune
Déjà malade et pâle de chagrin
De voir que sa servante est bien plus belle qu’elle.
Voilà ma Dame ! ph elle est mon amour
Oh si elle savait qu’elle l’est !
Elle parle et pourtant ne dit rien, mais qu’importe,
Ses yeux font un discours et je veux leur répondre.
Je suis trop hardi, ce n’est pas à moi qu’elle parle :
Deux des plus belles étoiles dans tout le ciel
Ayant quelque affaire, ont supplié ses yeux
Dans leur sphères
Jusqu’à ce qu’elles reviennent.
Que serait-ce si ses yeux étaient là-haut
Et les étoiles dans sa tête ?
Car l’éclat de sa joue ferait honte aux étoiles
Comme le jour à une lampe, tandis que ses yeux au ciel
Répandraient à travers le région aérienne un si grand éclat
Que les oiseaux chanteraient croyant la nuit terminée.
Oh si j’étais le gant sur cette main
Que je puisse toucher cette joue !

Le monde de l’amour est ici présenté comme un univers de rêve, mais dont la cohérence souffre des contraintes du quotidien. Les événement sont hostiles, contrecarrant sans arrêt l’épanouissement sentimental : la violence écarte sa bien-aimée à Roméo, qui est amené à tuer son cousin, puis la loi exige l’exil de l’amant loin de Juliette ; enfin le père veut contraindre sa fille à trahir son serment à Roméo en épousant Pâris. Jusqu’à la nature elle-même qui, par une épidémie de peste, retarde le messager qui aurait révélé à Roméo que Juliette n’était qu’endormie, et qu’il lui suffisait d’attendre son réveil. Ce drame de Shakespeare décrit avec une grande vérité les tourments de l’amour passion, à tel point qu’il est presque devenu un mythe, une réalité, tellement universelle que chaque homme s’y retrouve, et s’y réfère donc, sans même savoir qu’il s’agit d’une légende antérieure à Shakespeare.

Extrait

Oh! plutôt que d’épouser Pâris, commande-moi de me précipiter du haut des remparts de cette tour, ou d’aller par les chemins fréquentés par les voleurs; ordonne-moi de me glisser au milieu des serpents; enchaîne-moi avec des ours rugissants; ou enferme-moi la nuit dans un cimetière, entièrement couvert d’os de morts s’entre-choquant, de jambes encore infectes, de crânes jaunis et informes; ou commande-moi d’entrer dans un tombeau nouvellement creusé, et de me cacher avec un mort dans son linceul, choses qui me faisaient trembler, seulement à en entendre parler; j’obéirai sans crainte ou hésitation, pour demeurer l’épouse sans tache de mon cher bien-aimé.

Le thème fut d’abord traité par Luigi Da Porto, gentilhomme vicentin et homme de lettre, inspiré d’un conte de Masuccio Salernitano intitulé Mariotto e Ganozza, écrit en 1476 et comportant de nombreux éléments repris par le drame de Shakespeare. Mais Luigi da Porto s’est probablement inspiré de son histoire personnelle. En 1511, il est apparemment tombé amoureux de sa cousine Lucina Sarvognan (seize ans). Les conflits au sein des clans étaient vifs. Paralysé à la suite des conflits entre clans, Luigi se retire dans sa villa et écrit le roman, situant l’histoire à Vérone dont il apercevait les tours de sa fenêtre. Il a créé les noms de Romeus (Roméo) et Giulietta (Juliette) ainsi que les personnages de Mercutio, Tybalt, Laurence et Paris.

Si les jeune amants trouvent la mort si vite après le coup de foudre initial, nous entendons bien que Shakespeare ne nous dit pas qu’ils sont punis, même pas qu’un destin jaloux les poursuit : c’est que, dans cette lutte du mal contre le bien – le mal étant querelle des deux familles ennemies, les Montaigus et les Capulets et aussi la tyrannie paternelle – ce sont les enfants qui sont vaincu.

Extrait

Ton nom est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.

Ici en effet, la catastrophe n’est pas causée par la personnalité des héros, mais par une simple combinaison fortuite de circonstances extérieures. Si bien qu’au XVIIIe siècle on a pu altérer le dénouement du drame, en lui donnant une conclusion plus heureuse.

Toutefois, par son style même, Shakespeare montre clairement qu’il tenait son sujet pour un sujet tragique dans toute la force du terme : à savoir, une passion fulgurante qui se voit anéantie par la fatalité.

L’œuvre est d’une grande variété de ton. Shakespeare y marie la raffinement aux grossièretés, la pudeur à la truculence, la fantaisie ailée aux nuages les plus funèbres.

Citation

L’amour, c’est la fumée qu’exhalent les soupirs,
Attisé, c’est le feu dans les yeux des amants,
Contrarié, c’est la mer que viennent grossir leurs larmes.

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