Aurélia – Gérard de Nerval

Le narrateur a perdu Jenny Colon, celle qu’il aimait. Il décide de l’appeler Aurélia à présent. Il commence à avoir des crises où il voit le fantôme de Jenny dans un monde imaginaire où tout semble avoir un lien. Une fois, il pense qu’Aurélia est morte, mais dans une vision suivante, son double lui dit qu’elle est vivante et le punit pour son obsession envers elle plutôt que envers Dieu. Le narrateur est très triste, mais ensuite il a une révélation réconfortante : Aurélia se transforme en Vierge Marie et lui promet son salut. Un médecin l’aide à sortir de ses hallucinations, mais Aurélia se transforme en étoile dans le ciel, qui brillera pour toujours. Le narrateur se sent parfois comme un visionnaire, essayant de comprendre et contrôler ce qu’il voit. Cette expérience l’amène à réfléchir sur sa propre identité et sa quête spirituelle.

Extrait

Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : – le monde des Esprits s’ouvre pour nous.

Swedenborg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Ane d’or d’Apulée, la Divine Comédie de Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; – et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues… ?

Le narrateur ressent le besoin de croire en un refuge contre le désespoir. Il cherche à mieux se comprendre en analysant ses rêves et ses cauchemars pour les comprendre et les contrôler. Il examine attentivement les liens entre sa vie quotidienne et le monde surnaturel. Sa fixation à diviser ce qu’il vit et ce qu’il écrit lui permet de suivre précisément le chemin de ses rêves et de trouver ce qui les relie tous. Ainsi, à la fin d’Aurélia, toutes les femmes qu’il a aimées se fondent en une seule entité, lui disant : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même que toutes les formes que tu as toujours aimées. »

Extrait

Le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n’ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos. Après un engourdissement de quelques minutes, une vie nouvelle commence, affranchie des conditions du temps et de l’espace, et pareille sans doute à celle qui nous attend après la mort. Qui sait s’il n’existe pas un lien entre ces deux existences et s’il n’est pas possible à l’âme de le nouer dès à présent ?

Extrait

Je m’imaginai d’abord que les personnes réunies dans ce jardin avaient toutes quelque influence sur les astres, et que celui qui tournait sans cesse dans le même cercle y réglait la marche du soleil. Un vieillard, que l’on amenait à certaines heures du jour et qui faisait des nœuds en consultant sa montre, m’apparaissait comme chargé de constater la marche des heures. Je m’attribuai à moi-même une influence sur la marche de la lune, et je crus que cet astre avait reçu un coup de foudre du Tout-Puissant qui avait tracé sur sa face l’empreinte du masque que j’avais remarquée.

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